Liberté d'expression
et sagesse socratique
En toutes choses on doit agir dans la vue du bien (Socrate)
En s’appuyant entre autres sur le point de vue indémodable de cet immense philosophe qu'est Socrate au sujet de la liberté d'expression, l’occasion s’offre d’interpréter les tenants et aboutissants des événements de Paris du 7 janvier 2015 (attentat contre Charlie Hebdo) et ceux qui ont suivi, pour ensuite en tirer certaines leçons (surtout basées sur le bon sens).
On s’éloignera du discours manichéen actuel des grands médias qui se contentent de surfer sur la confortable vague de la pensée unique, plaçant abusivement le droit à la liberté d’expression sur un piédestal très haut perché.
Il est plus que nécessaire de rappeler les limites éthiques du droit d’expression, tant pour soi que pour les personnes œuvrant dans les médias (dessinateurs, caricaturistes, journalistes...). Pour en comprendre tous les enjeux, il est important de faire référence tant au contexte historique qu’aux immuables lois naturelles.
Progrès moral ?
Les moyens techniques qui se sont considérablement
développés depuis l’antiquité et à une allure vertigineuse depuis l’avènement
d’Internet, ont transformé tout en profondeur ; entre autres, le volume mais
aussi la vitesse de la propagation de l’information, sans toutefois, comme
cela était prévisible, faire vraiment évoluer positivement le progrès moral.
C’est ce qui fait dire et justement à beaucoup que l’histoire est un éternel
recommencement…
La plupart du temps, cet emballement de l’information ne s’accompagne pas
d’une qualité de communication adéquate, basée sur le respect des immuables
lois naturelles et de ses salutaires garde-fous, comme on le verra ensuite ;
une communication plus appropriée aurait permis de ne pas tomber dans les travers de s’autoriser à dire
tout et n’importe quoi, sous prétexte de 'liberté d’expression' ; la nature
humaine étant ce qu’elle est, le meilleur a toujours côtoyé le pire…
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Liberté d’expression chez les espèces naturelles
Du fait que les espèces naturelles sont dominées par leurs instincts et qu’elles n’ont de ce fait qu’un libre arbitre très réduit, leurs libertés d’expression et d’action sont fortement limitées. Cela leur permet d’arriver à vivre ensemble dans une puissante harmonie.
Ainsi, aucun prédateur n’est capable de se montrer cruel, d’abuser de son pouvoir, de sa position : il ne tue que pour se nourrir, comme solution ultime pour protéger son territoire, en faisant souffrir le moins possible et sans se gaver.
Les espèces naturelles n’adoptent jamais un comportement inutilement agressif même en situation de danger : par exemple, lorsqu’un sujet envahit le territoire d’un autre, ce dernier montre d’abord des signes destinés à le faire fuir (grognement, gonflement du pelage…) et si l’envahisseur ne fuit pas rapidement, vient alors le juste combat pour la sauvegarde du territoire (parce qu'il conditionne sa propre survie)..
Certes, quand le propriétaire du territoire convoité n’est plus à la hauteur
(santé, vieillesse, maladie…), il finit par céder son espace à celui qui
pourra le mieux s’en occuper et y développer son espèce à un niveau optimal de
qualité, c'est le "prix à payer" pour que tout l'écosystème se pérennise.. (cf. le combat des cerfs).
Les animaux se confrontent aux autres uniquement avec une responsabilité
instinctive. Cet équilibre constant depuis la nuit des temps explique ainsi la
permanence de la nature bien avant l’arrivée de l’homme : la liberté
d’expression et d’action des individus des espèces naturelles ne peut exister
que dans le respect de leurs congénères et de ceux des autres espèces, sinon
tout le système serait mis en danger.
C’est ainsi qu’en présence d’un déséquilibre en force ou en nombre d’une
espèce sur l’autre — ce dont l’homme se rend souvent responsable directement
ou indirectement et qui a conduit à l'effondrement
planétaire (global) actuel —, celle en surnombre se réduit automatiquement, voire
disparaît totalement, pour ne pas mettre en péril l’écologie générale et la
survie harmonieuse de tout le système : par exemple, via l’effondrement
automatique de l’immunité chez les animaux qui contractent alors des maladies
mortelles (maladies de la vache folle, de la langue bleue, prion et autres
maladies infectieuses etc.), lorsqu’ils sont mis dans des conditions de vie
insupportables ou tout simplement non respectueuses des lois de la nature (ex.
élevage en batterie, élevage intensif…) ; tout excès est en effet contré
automatiquement.
Le monde a commencé
sans l'homme, il peut finir sans lui. (Claude Levi Strauss)
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liberté d'expression
Liberté d’expression individuelle chez l’homme
Le
fait que l’homme est doué d’un libre arbitre bien plus développé tout en ayant
des instincts innés relativement bien moins importants que ceux des espèces
naturelles, il fait le choix de comportements dont le souci majeur n’est que
trop rarement rivé sur le respect des lois naturelles, de la morale et tout
simplement du bon sens qui en découle, pour préserver l’écologie générale.
L’homme est alors enclin à gaspiller notamment énormément de nourriture, se
rend coupable de souffrances animales autant inutiles qu’abjectes et de
comportements tout aussi contre-nature vis-à-vis de ses propres congénères. Il
a même la prétention d’améliorer la nature ! La survie de l’espèce humaine est
de moins en moins garantie, parce qu’elle respecte de moins en moins la Nature
et ses lois ; pire, dans sa folie irresponsable, l’espèce humaine en est même
arrivée à mettre en danger la survie à terme des autres espèces (cf.
le
réchauffement climatique et ce qui nous a conduit inexorablement vers un
effondrement planétaire global) !
Si nous prenons la nature pour guide, nous ne nous égarerons
jamais. (Cicéron)
Les comportements humains et la morale qui en découle auraient toujours dû
trouver leur source dans l’observation de la nature et du comportement des
autres espèces. C’eut été le produit d’une association réussie entre instincts
innés, un niveau d’intelligence supérieur et un libre arbitre bien éclairé.
Malheureusement, à cause de sa capacité (prétendument) supérieure à réfléchir et d’agir
suivant son libre-arbitre souvent mal éclairé, l’espèce humaine se rend trop
souvent responsable d’enfreintes à la morale naturelle : le non-respect des
autres, de leurs valeurs, de leurs limites, de leurs espaces légitimes de vie
(territoires) …, la plupart du temps faute d’une communication de qualité. Du
fait qu’elle n’est pas innée chez l’homme à l’inverse des autres espèces,
cette manière de communiquer harmonieuse devrait s’apprendre dès le berceau,
mais les éducations familiales et scolaires ne lui consacrent qu’une
importance bien trop limitée.
Face à de tels écueils, des auteurs comme Jacques Salomé et Marshall Rosenberg
ont largement démontré les effets bénéfiques et salutaires d’une communication
appropriée et donc, entre autres, non violente, loin du ”tu tues”. Cette autre
célèbre auteure, Alice Miller, a consacré une partie de sa vie à dénoncer
notamment les conséquences dommageables de la
pédagogie noire (mode
d’éducation qui cautionne les violences parentales physiques et psychiques
aliénantes, aux antipodes d’une communication de qualité).
J'ai déjà souligné aussi bien dans
mon livre que sur ce site, l’immense et
indémodable apport de l’incontournable et immense philosophe grec qu’est Socrate
(considéré d’ailleurs comme l’un des premiers psychothérapeutes, mais qui n’a
rien laissé par écrit ; ses réflexions ont été retranscrites par l'un de ses
élèves, Aristote) :
• le “connais-toi toi-même” comme source de bonheur et d’épanouissement
personnel ; « "Connais-toi toi-même', voilà toute la science. C'est
seulement quand la connaissance des choses sera achevée que l'homme se
connaîtra lui-même. Car les choses ne sont que les limites de l'homme »,
ajoutait le philosophe Friedrich Nietzsche
• la Maïeutique (“l’art de faire accoucher l'autre à lui-même”) (°).
° La
Maïeutique de Socrate fait référence au personnage de la mythologie grecque
Maïa, l'aînée des Pléiades, qui veillait aux accouchements (“μαιευτική”,
maieutikê signifiant l’art de l'accouchement) ; la mère de Socrate était
sage-femme, ce qui ne pouvait, selon toute vraisemblance, que l’influencer
dans ce qu’il a développé au travers de la Maïeutique. C'est aussi cette
manière de faire qui devrait toujours être au sein d'un
accompagnement thérapeutique approprié.
Deux objectifs qui, suivis constamment, conduiraient au mieux vivre-ensemble : une communication respectueuse de soi et des autres permet non seulement de mieux se connaître, de mieux se livrer, d’exprimer librement ses ressentis, ses émotions…, mais aussi de faire accoucher l'autre à lui-même, à sa propre vérité, à ce qu’il ressent, sans jugement, sans parti pris… et ainsi d’adopter ensemble le même registre épanouissant.
Jacques Salomé l'exprime en d’autres termes : « écouter l’autre c’est
lui permettre d’entendre ce qu’il dit », à l’opposé du « tu tues ». Pour
mémoire, l’absence suffisante d’écoute de soi et des autres, des
besoins
respectifs, constitue entre autres l’antichambre des maladies sur le plan
personnel et celle des guerres sur le plan collectif.
Voici une piste éprouvée pour celui qui veut tenir un discours adéquat sur les
autres et notamment à propos de leurs comportements, leurs croyances… et qu’on
peut aussi étendre quand il s’agit d’entreprendre une action les concernant ;
il s’agit d’un précieux et indémodable outil basé sur le bon sens et attribué
à Socrate, pour veiller à ne pas outrepasser l’exercice de sa propre liberté
d’expression et d’action au détriment d’autrui :
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Le “test à trois filtres” de Socrate
Dans la Grèce antique, Socrate était loué pour sa sagesse. |
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Le rejet de la responsabilité conduit à une culture où prévaut la mentalité de victime.
(Christopher Ross, Oxford Circus, la quête de la vie réelle, Ed Sully, 2003)
Les tueries de Paris ont été l’occasion de mobiliser un grand nombre de personnes sur la nécessité de se protéger contre les abus de pouvoir (souvent sanguinaires) exercés souvent par un petit groupe de fanatiques. Malheureusement, comme trop souvent, le discours des grands médias (asservi au politiquement correct et à la pensée unique, dans leur allégeance aux oligarchies financières qui les pilotent) a été manichéen :
d’un côté le camp des réputés “mauvais” (bourreaux) et de l’autre celui des réputés “bons” (victimes).
C’est une attitude sans nuances, faute d’avoir pris la peine de mettre au jour la source réelle et profonde des oppositions et les vraies responsabilités réciproques, notamment dans une perspective historique (la recherche des causes profondes, et entre autres, le comportement inadmissible des chrétiens lors les croisades …).
En l’occurrence, il n’y
avait pas de “pures” victimes et tout autant pas de “purs” bourreaux, faute
d’un respect mutuel !
Les commentaires des grands médias et les prises de positions des décideurs
n’ont pas été vus comme l’occasion d’inviter chacun à se remettre en question
personnellement et collectivement : comment chacun d’entre nous
communique-t-il ? Le fait-il toujours en respect avec les lois immuables de la
morale naturelle et du souci du vivre-ensemble en harmonie et en paix ?
Le bon sens nous dirait d’adopter un traitement analogue, d’accorder des
droits à égalité entre les comportements individuels et les comportements
collectifs, de sorte qu’ils restent bien en phase et génèrent plus de
cohérence sociale. Pourtant, du haut de son piédestal, la sacro-sainte liberté
de la presse est brandie actuellement mais fallacieusement, comme une valeur
intouchable, une sorte de conquête définitive revêtue d’un droit quasi absolu,
le tout presque déifié et qui dépasse paradoxalement et de loin, ce que le
droit à l’expression d’un individu isolé pourrait permettre ! Cherchez donc
l’erreur !
Jakubowski
"Liberté d'expression correspond dans la presse à liberté d'impression
"(Patrick
Jakubowski)
Même si au fil des siècles, les lois qui protègent les médias leur accordent
finalement plus de privilèges que ce qui est accordé individuellement, la
liberté de la presse ne saurait pourtant avoir quelque caractère absolu, à
moins de tomber dans une forme de totalitarisme qui ne s’avoue pas. En fait,
le bon sens lui dicte qu’elle devrait pourtant aussi s’arrêter là où commence
la liberté (individuelle et collective) des autres.
Pour l’anecdote, j’ai été personnellement confronté au comportement abusif des médias. Toutefois, mon action en justice a permis de faire évoluer la jurisprudence en la matière. (N.B. le soulignement et la mise entre crochets on été ajoutés) :
« Le jugement du 21 septembre 2009 (TGI Paris, 17e Chambre) qui a condamné le producteur/animateur Jean-Luc Delarue [ainsi que sa société Réservoir Prod] et France 2 après la plainte du psychothérapeute belge Labrique constitue
une avancée juridique importante.
M. Labrique a
emporté une importante victoire concernant le nécessaire respect par les
animateurs de télévision, lors du montage final, des propos tenus par les
participants à leurs émissions.
C’est une avancée qui peut favoriser à
l’avenir une meilleure application de la déontologie journalistique
».
Jean-Luc Martin-Lagardette, journaliste. (Détails)
Il faut dénoncer la manière déséquilibrée autant
qu’injuste dont la liberté d’expression de la presse notamment en France,
protégée comme ailleurs par le droit de la presse, s’exerce encore abusivement
au détriment du droit individuel ; c’est ce dernier qui a finalement prévalu
dans le jugement repris ci-avant, se référant à ce que dictent les codes
civils belge et français et principalement à cette disposition : « Tout fait
quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la
faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
La liberté d’expression de la presse ou de tout autre organe ou personne ne
peut pas conduire à malmener celle des autres, notamment pour ce qui touche à
leurs croyances personnelles (certes à condition que ces dernières se limitent
à la sphère privée et que cela n’occasionne aucun dommage pour autrui).
A mon point de vue, sous
prétexte du droit intangible à la caricature et au blasphème (ce qui n’est
certes pas admis dans tous les pays occidentaux), en s’y prenant trop souvent,
gratuitement et d’une manière aussi virulente à l’image de Mahomet (comme je
tenterai de l’expliciter ensuite), les dessinateurs de Charlie Hebdo (CH) ont
pris bien trop de libertés par rapport aux règles basiques du bien
vivre-ensemble et tout simplement à celles du respect élémentaire de l’autre.
Ces règles font partie des fondements de la Civilisation occidentale, de ses
valeurs, lesquelles sont mises de plus en plus à mal notamment par les
outrances médiatiques pourtant encensées (celles de CH) par leurs pairs, d’une
manière trop corporatiste.
Il faut se rendre compte que le premier média qui a dérapé en amont c’est CH :
de telles caricatures constituent trop souvent des agressions parfaitement
inutiles, de mauvais goût (et notamment
celle-ci,
peu
avant l'attentat) extrêmement provocatrice : un défi à la réaction violente, à
une provocation extrême, ce vent dont la force excessive ne peut que favoriser
la tempête : ).
D’ailleurs, Charlie Hebdo a déjà répondu en 2007 devant la justice des
caricatures de Mahomet qu'il avait déjà publiées ; le tribunal avait certes
jugé que l'hebdomadaire avait le droit de publier ces dessins :
« Attendu que le genre littéraire de la caricature,
bien que délibérément provocant, participe à ce titre à la liberté
d'expression et de communication des pensées et des opinions […] ;
attendu qu'ainsi, en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette
caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et les circonstances
de sa publication dans le journal “Charlie Hebdo”, apparaissent exclusifs de
toute volonté délibérée d'offenser directement et gratuitement l'ensemble des
musulmans ; que les limites admissibles de la liberté d'expression n'ont donc
pas été dépassées […] » (Source).
La question trop peu posée est de savoir si les
caricatures incriminées alors ou maintenant « apparaissent [vraiment]
exclusifs de toute volonté délibérée d'offenser directement et gratuitement
l'ensemble des musulmans » et si « les limites admissibles de la
liberté d'expression n'ont donc pas été dépassées » ! Permettez-moi
d’avoir un sérieux doute !
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En effet, à la lumière des événements récents, ne faudrait-il pas redéfinir
les contours admissibles de la liberté de la presse, devenue encore plus
intouchable au fil de tout ce qui est de plus en plus toléré sur la toile et
dans la presse et qui favorise alors la surenchère ?
L’histoire est truffée de lois et de dispositions légales dont on mesure
(enfin) à un certain moment que certaines de leurs applications dérivantes
conduisent à des comportements inadéquats ; cela entraîne alors des correctifs
(jurisprudence) et des révisions (modifications profondes), voire des abrogations
pures et simples de telles lois et c’est très heureux.
En effet, à moins d’avoir face à soi un sage comme cible de l’agression, il ne
faut pas s’étonner de générer des réactions tout autant (et parfois davantage)
musclées. Une des lois principales qui gouvernent l'univers est la loi
d'action qui ne peut entraîner qu’une réaction au mieux proportionnée ;
cependant face à certains excès typiques du genre humain, la pensée populaire
empreinte de bon sens pointera à juste titre un certain type de vent qui sème
la tempête... Vu la virulence répétée des caricatures, il était étonnant de ne
pas s’y attendre (l’incendie des locaux de CH en 2011 aurait déjà dû faire
réfléchir). Certes, dans ce cas-ci, l’ampleur de la réaction a très
certainement surpris par sa violence... et personne ne peut évidemment
cautionner de tels actes sanguinaires.
A chacun d’adopter les garde-fous que constituent entre autres l’éthique et le
bon sens : les caricaturistes en question n’auraient-il pas pu par exemple
s’en prendre spécifiquement aux jihadistes, plutôt que de se moquer à ce point
de Mahomet et de blesser les Musulmans, gratuitement, en plus,
contre-productivement et dommageablement ?
Errare humanum est, sed perseverare diabolicum
(Cicéron)
Il ne saurait être question de censure, mais idéalement, l’éthique des
caricaturistes devrait les aider dans leurs choix, sans qu’aucun jugement ou
disposition extérieurs n’ait à intervenir.
C’est ainsi que les dessinateurs auraient par exemple dû faire passer leurs
projets de caricatures au triple filtre attribué à Socrate (vérité, bonté,
utilité) et au moins l’un des filtres aurait sans doute barré la route à
nombre d’entre eux. Il y a tant de brutalités, de manque d’amour, d’absence de
compassion dans notre société déjà si violente, mais alors pourquoi
délibérément jeter de l’huile sur le feu, sous prétexte d’humour (qui a
décidément trop bon dos) et avoir des attitudes sinon haineuses, du moins
fortement offensantes à l’adresse d’une partie de la population qui a déjà
tellement de difficultés et de résistances à s’intégrer ?
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To be [Charlie] or not to be ?
Pour terminer voici un extrait d’un
article du Vif L’Express (Belgique) écrit par le philosophe belge
Jean-Michel Longneaux (professeur à l'Université de Namur). Sa position me
paraît empreinte d’une sagesse, telle que la prônait Socrate via notamment le
test des trois filtres (le soulignement a été ajouté) :
« Proclamer être Charlie, ce n'est pas seulement défendre le droit de
pensée, le droit au désaccord - ce que je partage, comme tant d'autres -,
c'est défendre aussi le droit d'offenser selon les codes de l'autre, c'est
défendre le droit d'humilier, de ridiculiser publiquement.
C'est autre chose que l'impertinence dont parlent pudiquement certains
journalistes. Voilà pourquoi je ne suis pas Charlie. Etre Charlie, c'est
croire aussi que tout le monde est capable d'encaisser impassiblement ou avec
le sourire les humiliations publiques.
C'est croire que toutes les cultures partagent nos codes, notre sens de
l'humour et que, si ce n'est pas le cas, elles devraient y tendre puisque nous
détenons la vérité sur les bonnes conduites.
Voilà pourquoi je ne suis pas Charlie : parce que dans le monde réel, je sais
que tout le monde n'est pas capable de rire de tout, y compris de soi-même.
Par contre, tout le monde a besoin de se sentir respecté, y compris dans le
désaccord. Non à la haine, oui à la liberté d'expression !
A cela je réponds qu'au nom du refus de la haine, il faut oser refuser les
modes d'expression qui peuvent blesser, qui sont ressentis par ceux qui sont
visés comme de la haine, et qui suscitent en retour de la haine. On a le droit
de n'être pas d'accord avec les autres, on n'a pas le droit de les humilier.
Entre des crayons et des kalachnikovs, le rapport de force semble
disproportionné, injuste, cruel. Ce que nous ne voulons pas voir - et que
pourtant nous savons tous -, c'est que l'humour peut être d'une violence
inouïe, qu'il peut blesser, qu'il peut détruire : certains se suicident à
force d'être ridiculisés. Certains dessins, certains mots d'esprit sont pires
que des fusils : ceux-ci tuent d'un coup, ceux-là, à petit feu.
Les lâches assassinats, que rien ne saurait excuser, nous renvoient une image
de nous-mêmes bien cruelle. Je crains que l'émotion nous aveugle ».
La Parabole des aveugles. (Pieter Bruegel l'Ancien)
A lire aussi : "Gilets jaunes versus Gilets verts" : face à la violence étatique sous toutes ses formes (économique, justice fiscale, policière...), la réponse la plus appropriée est-elle vraiment celle de la prise de pouvoir sur les autres et des débordements lors des actions et autres manifestations ?
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Et ils ont osé remettre cela (09/2020) !!!
En marge des réflexions précédentes, on entend souvent dire que le droit de critiquer et même d’offenser est inhérent, salutaire et même essentiel à la démocratie, mais en fait, c'est un dogme qui se fait passer pour une vérité universelle ! Dans d'autres pays européens que la France (Allemagne, Irlande, Grèce, Italie, Pologne, Malte, Espagne, Danemark), il existe des lois contre le blasphème. Devons-nous alors considérer de tels pays comme non démocratiques ? Dans cet article du
NY Times du 7 janvier 2015 (écrit sans doute trop à
chaud puisque le jour-même de l'attentat contre Charlie Hebdo), on peut lire : « Et ce
blasphème-là est justement celui qui doit être défendu, parce qu’il sert
évidemment le bien de tous dans une société démocratique ». C'est de
nouveau un dogme car, en quoi le blasphème sert-il le bien de tous ? Aucune
démonstration n'est évidemment donnée et pour cause : comment pourrait-on
valider le fait que le blasphème engendre
du « bien » pour ceux qui se sentent insultés, choqués à son contact ? |
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Voici un extrait d'un article (17 février 2015) qui donne la parole à l'une des personnes qui se sont senties blessées par les caricatures de Mahomet : une femme d'origine palestinienne, Rania de Jordanie, épouse du roi de Jordanie et adepte du féminisme ; elle dit notamment et très justement : « Je ne vois pas au nom de quelles valeurs on peut réduire à de grossières caricatures la figure que chérissent des millions de musulmans à travers le monde. Dans quel but ? Davantage de dessins de ce type ne feront que blesser, approfondir la méfiance et favoriser les préjugés dans une époque où nous devrions plutôt promouvoir la tolérance et la compréhension. Il y a sûrement un équilibre à trouver entre la liberté d'expression et le caractère sacré d'une religion. Cette recherche ne doit pas être dictée par la peur ; elle doit être conduite avec compréhension et empathie. J'ai entendu, depuis la parution des caricatures, de nombreuses critiques provenant du monde musulman, qui soulignent un double langage au sujet de la liberté d'expression. Pourquoi invoque-t-on la liberté d'expression quand il s'agit de l'islam, alors qu'il existe des tabous et une ligne rouge lorsqu'il s'agit d'un autre problème ? ».
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Faites toujours ce qui est droit, cela va satisfaire les uns et étonner les autres. Einstein
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